La naissance d'un anti-héros
meurtriers sans visage | Henning mankell
20 avril 2022
Titre | Meurtriers sans visage
Auteur | Henning Mankell
Date de parution | 1994
Nombre de pages | 384
J’ai été transportée :
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🖤 À la folie
Plonger dans un roman d'Henning Mankell, c'est faire s'arrêter le temps. Meurtriers sans visage signe le début d'une série de polars portés par un anti-héros suédois torturé et attachant, Kurt Wallander. Le nectar des polars !
Portrait express de l'auteur
Henning Mankell est un auteur suédois né le 3 février 1948 à Härjedalen, au centre de la Suède. Très vite abandonné par sa mère, il est élevé par son père, juge d’instance. Il débute sa carrière professionnelle comme assistant-metteur en scène à l’âge de 17 ans. Passionné de théâtre, il dirige une troupe de la province de Scanie. Auteur d’une quinzaine de livres pour enfants et pour adultes, ce dramaturge est l’un des maîtres incontestés du polar suédois grâce à la série des Wallander, qui met en scène l’inspecteur du même nom. Meurtriers sans visage est le premier d’une série de romans policiers inimitables. Avec ce livre, il reçoit le prix de « Clé de verre ».
Résumé du trajet
En pleine campagne, près de la petite ville d’Ystad, au sud de la Suède, un fermier découvre le corps sans vie de son voisin, atrocement massacré. La femme du malheureux ne vaut guère mieux : étranglée par un curieux nœud coulant, elle n’aura que le temps de murmurer « étrangers », avant de décéder à son tour à l’hôpital. Qui peut bien avoir commis pareille horreur et dans quel but ? Et pourquoi le ou les assassins ont-ils nourri la jument du vieux couple ? L’inspecteur de police Kurt Wallander se serait bien passé de cette enquête alors qu’il regrette le départ de sa femme, que sa fille refuse de le voir et que son père l’inquiète. Évidemment, les médias n’arrangent pas les choses. Mais faut-il vraiment suivre la piste des étrangers ? De nouvelles révélations faites par le frère de la vieille dame assassinée vont orienter et compliquer la tâche de la petite équipe de Wallander.
Pourquoi se laisser embarquer
À son retour d’un voyage d’un an en Afrique, Henning Mankell constate que la Suède a changé et qu’elle est devenue moins accueillante vis-à-vis des étrangers. Il a envie de s’exprimer sur le thème de l’immigration et du racisme ordinaire. Il invente alors Kurt Wallander pour porter son sujet. C’est ainsi que ses livres servent de socle à une profonde réflexion sur la société suédoise décadente. Par le biais de son (anti) héros, Henning Mankell puise sa source dans le terreau socio-politique du pays et pointe du doigt la dérive de ses contemporains.
À propos de Kurt Wallander, impossible de ne pas s’attacher à cet anti-héros solitaire, en proie au doute et frôlant l’alcoolisme. Kurt Wallander doit faire face à son divorce récent, à l’indifférence de sa fille et à l’irascibilité de son paternel. Un être humain avec ses travers, loin des super flics américains sans relief et à qui tout réussit. C’est ce personnage qui fait le liant entre les enquêtes et l’écriture engagée de l’auteur. Tout s’imbrique à la perfection, avec un réalisme saisissant, à s’oublier soi-même.
Si les auteurs venus du froid ont le chic pour écrire de délicieux romans policiers, Henning Mankell a ce petit quelque chose en plus qui frise le génie. Un style unique, des descriptions incroyables, une plume fluide qui ne lasse jamais son lecteur… Les énigmes d’Henning Mankell feront adorer les polars à ceux qui ne les aiment pas encore, et rendre accro les amateurs du genre. (Re)découvrez le maître incontestable du thriller nordique !
Passage choisi
Il regarde à l’extérieur, dans cette nuit hivernale. C’est le 8 janvier 1990 et il n’a pas encore neigé, cet hiver-là, dans cette province méridionale de la Suède qu’est la Scanie. La lampe au-dessus de la porte de la cuisine éclaire le jardin, le châtaignier dénudé et, au-delà, les champs. Il plisse les yeux pour regarder en direction de la ferme voisine, celle des Lövgren. Le long bâtiment blanc et bas est plongé dans l’obscurité. Une lampe jaune pâle brille au-dessus de la porte de l’écurie, qui forme un angle droit avec la maison d’habitation. C’est là que se trouve la jument, dans son box, et c’est là qu’elle se met soudain à hennir d’inquiétude, chaque nuit.
Il tend l’oreille dans le noir.
Brusquement, le lit se met à grincer derrière lui.
– Qu’est-ce que tu fais ? marmonne sa femme.
– Dors, répond-il. Je me dégourdis les jambes.
– Tu as mal ?
– Non.
– Eh bien, viens dormir ! Ne reste pas là à attraper froid.
Il l’entend se retourner dans le lit et se mettre sur le côté.
Jadis, nous nous aimions, se dit-il. Mais il écarte aussitôt cette pensée. Aimer, c’est un trop grand mot. Il n’est pas fait pour des gens comme nous. Quelqu’un qui a été paysan pendant quarante ans, toujours plié en deux sur cette lourde argile de Scanie, n’utilise pas le mot « amour » pour parler de sa femme. Dans notre vie, l’amour a toujours été quelque chose de bien différent…
Pour aller plus loin
Drôle de choix que de rajeunir le célèbre inspecteur Wallander sans se soucier de la crédibilité temporelle, géographique ou linguistique. Mais Le Jeune Wallander est une série-polar au scénario solide, à la fois classique et bien ancré dans notre époque, porté par un charismatique acteur suédois Adam Palsson. Pas si mal… À découvrir sur Netflix !
