L'art de s'amuser de ce qui serre le cœur
nos séparations | david foenkinos
6 avril 2022

Titre | Nos séparations
Auteur | David Foenkinos
Date de parution | 2010
Nombre de pages | 224
J’ai été transportée :
🤍 Un peu
🤍 Beaucoup
🖤 Passionnément
🤍 À la folie
Assaisonnée à la sauce Foenkinos, une histoire visiblement anodine prend une toute autre saveur. Les clichés, l'auteur s'en amuse avec désinvolture. Un roman très réussi, que l'on termine à regret.
Portrait express de l'auteur
Après des études de lettres à la Sorbonne et une formation de jazz, David Foenkinos devient professeur de guitare. Il publie par ailleurs plusieurs romans, dont Inversion de l’idiotie, de l’influence de deux Polonais, prix François Mauriac 2001, Entre les oreilles (2002) et Le Potentiel érotique de ma femme (2004). L’écrivain est apprécié pour ses textes empreints de légèreté et d’humour. Il n’aura pourtant eu d’intérêt pour la littérature qu’à la fin de l’adolescence, lorsqu’une longue hospitalisation lui a permis de la lire. Depuis, c’est un lecteur et un écrivain compulsif, avec pas moins de 16 romans à son actif. Avec Nos séparations, David Foenkinos nous offre un roman d’amour aussi doux que cocasse, entre nostalgie, regrets et espoir.

Résumé du trajet
« Je pense à Iris qui fut importante tout de même, à Emilie aussi, à Céline bien sûr, et puis d’autres prénoms dans d’autres pénombres, mais c’est Alice, toujours Alice qui est là, immuable, avec encore des rires au-dessus de nos têtes, comme si le premier amour était une condamnation à perpétuité. » Alice et Fritz s’aiment, et passent leur vie à se séparer. Les raisons : la cyclothymie des mouvements passionnels, les parents et les beaux-parents, le travail et les collègues, les amis d’enfance, deux polonais comme toujours, les cheveux et les dents, une longue histoire de cravate, la jalousie, et Schopenhauer bien sûr.
Pourquoi se laisser embarquer
Une histoire d’amour, mais pas niaise. Oubliez tous les romans à l’eau de rose détrempée que l’on nous sert, et ouvrez Nos séparations. Même si le roman raconte avant tout une histoire d’amour moderne et tendre, celle de Fritz et Alice, ce n’est pas un livre romantique classique. Certes, tous les ingrédients de l’amour, de ses bonheurs et de ses dérives sont là : le coup de foudre, la demande en mariage, la première dispute, la maîtresse, la réconciliation… Le ton nous est d’ailleurs donné, dès les toutes premières pages du roman : « Nous sommes tous des clichés ».
Mais le talent de David Foenkinos réside en sa capacité à s’en amuser : grâce à une écriture décalée et désinvolte, il désacralise ces clichés et les emmène ailleurs. Pour faire surgir les sourires ? Une écriture imagée, légère et tout en dérision. Un livre divertissant, qui sollicite les zygomatiques, et qui ravira tout ceux qui aiment, comme l’auteur, jouer avec les mots et les non-sens. Avec Nos séparations, l’auteur parvient à métamorphoser une suite de péripéties amoureuses a priori banales en un témoignage poétique, plein de simplicité et d’originalité, de gravité et d’humour. Bernard Pivot parlera du roman avec une extrême justesse : « Ça caresse, ça pique, ça fait rire et ça émeut. On est dans la plus jolie tradition française : s’amuser de ce qui serre le cœur. » Alors, une petite cure d’humour (mais pas que), ça vous dit ?
Passage choisi
Il y a un aspect de ma personnalité que je n’ai pas encore précisé : je ne supporte pas les conflits. Arrondir les angles est le slogan de ma névrose. Une ascendance pacifiste qui est sûrement mon seul héritage concret. Parfois, nous ne parvenions pas à nous réconcilier, et la dispute s’envenimait. Un soir, Alice avait claqué la porte, j’ai oublié pour quel motif, et, alors que j’aurais dû la laisser se calmer, je suis parti à sa poursuite. Dans la nuit, j’ai couru pour la rattraper. Elle s’est débattue : c’était notre chorégraphie d’amour. Elle était en sueur, et je regrettais sa douceur comme un lointain bonheur de mon enfance. Je ne comprenais rien à ce qu’elle me disait. Elle gesticulait, elle était terriblement malheureuse et j’étais le pire des hommes. Je tentais de lui dire que je l’aimais, que je l’aimais depuis la première seconde, mais mes mots ne servaient à rien. Elle me frappait et je la frappais aussi. Un instant, nous nous sommes arrêtés, sans même voir que nous étions devant la terrasse d’un café encore ouvert. Une dizaine de consommateurs assistaient à notre spectacle de rue, et nous leur offrions une sorte d’Avignon off.