Le Romand qui fait froid dans le dos...!

L'Adversaire | Emmanuel Carrère

28 mars 2022

Le Wagon Livres L adversaire Emmanuel Carrere livre

Titre | L’Adversaire
Auteur | Emmanuel Carrère
Date de parution | 2000
Nombre de pages | 224

J’ai été transportée :
🤍 Un peu
🤍 Beaucoup
🖤 Passionnément
🤍 À la folie

Ouvrir L’Adversaire, c’est entrer en immersion dans la tête d’un monstre ordinaire. En 1993, l’Affaire Romand secoue La France. Emmanuel Carrère en fera le sujet d’un livre passionnant, à vous donner le frisson !

Portrait express de l'auteur

La question de l’identité. C’est ce sur quoi tourne toute l’œuvre romanesque d’Emmanuel Carrère. Né à Paris en 1957, il est d’abord critique de cinéma pour Télérama et Positif puis devient écrivain, scénariste et réalisateur. Son premier roman, L’amie du jaguar, paraît en 1983. Une fiction qui expose déjà sa fascination pour la complexité humaine. Emmanuel Carrère écrit pour comprendre, pour « prendre au piège quelque chose qui [lui] échappe et qui [le] mine ». Il prend rapidement conscience qu’il lui faut avant tout un sujet. Une histoire, un événement, une inspiration. C’est en 2000 qu’il sort de la fiction pour s’emparer d’un fait cette fois-ci bien réel : L’affaire Romand. L’Adversaire voit le jour et avec lui, un maître dans l’art de raconter.

Emmanuel Carrere auteur

Résumé du trajet

« Le 9 janvier 1993, Jean-Claude Romand a tué sa femme, ses enfants, ses parents, puis tenté, mais en vain, de se tuer lui-même. L’enquête a révélé qu’il n’était pas médecin comme il le prétendait et, chose plus difficile encore à croire, qu’il n’était rien d’autre. Il mentait depuis dix-huit ans, et ce mensonge ne recouvrait rien. Près d’être découvert, il a préféré supprimer ceux dont il ne pouvait supporter le regard. Il a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Je suis entré en relation avec lui, j’ai assisté à son procès. J’ai essayé de raconter précisément, jour après jour, cette vie de solitude, d’imposture et d’absence. D’imaginer ce qui tournait dans sa tête au long des heures vides, sans projet ni témoin, qu’il était supposé passer à son travail et passait en réalité sur des parkings d’autoroute ou dans les forêts du Jura. De comprendre, enfin, ce qui dans une expérience humaine aussi extrême m’a touché de si près et touche, je crois, chacun d’entre nous. »

Pourquoi se laisser embarquer

Le sang a toujours fait couler beaucoup d’encre. L’affaire du petit Grégory nous tient en haleine depuis 38 ans. Michel Fourniret, Xavier Dupont de Ligonnès, Nordahl Lelandais ou Jonathann Daval sont autant de noms qui rivalisent dans l’horreur. Mais à l’évidence, ces faits divers nous fascinent… Et pour cause ! Ils suscitent bien plus qu’une curiosité malsaine ou une envie de s’improviser détective. Devant chacune de ces histoires sordides, une question nous brûle les lèvres : que peut bien pousser une personne ordinaire à commettre un acte extraordinaire ? Jean-Claude Romand en est l’exemple parfait. C’est parce que le lecteur connaît déjà le meurtrier, qu’Emmanuel Carrère nous raconte l’homme. Celui qui construit son identité sur le fondement d’un mensonge. Sur le vide humiliant qui l’effraie et qu’il dissimulera à tous, quoi qu’il en coûte. Sachez qu’après être resté 26 ans en prison, Jean-Claude Romand vit en liberté conditionnelle à l’Abbaye Bénédictine de Fontgombault, depuis le 28 juin 2019.

Le Wagon Livres L adversaire Emmanuel Carrere inscoupçonnable
Emmanuel Carrère nous livre cette histoire à la manière d’un journal de bord ponctué de comptes-rendus d’audiences, de témoignages, de rapports psychiatriques ou encore d’articles de presse qui ancrent l’histoire dans le réel. S’en tenant à la véracité des faits et à son colossal travail d’investigation, il disperse des indices au fil des pages comme autant de pistes pouvant expliquer l’acte fou de Romand, sans jamais n’y inclure aucun jugement. L’Adversaire est une véritable enquête journalistique qui laisse à chacun la liberté de se forger son opinion.

Le titre de son livre, Emmanuel Carrère s’en inspire de la Bible qui définit le diable comme le menteur. « Cette affaire me travaillait à cause de la part d’imposture qui existe en nous, de ce décalage entre l’image qu’on donne, qu’on souhaite donner aux autres, et ce qu’on sait qu’on est soi-même. » Du livre, on en extrait quelque chose d’universel sur la notion d’identité et de rôle social. Jusqu’où peut-on aller pour exister aux yeux des autres ? Quelle est la frontière entre l’être et le paraître ? A quel point la pression sociale influe-t-elle sur nos actes ? Du frissonnement au questionnement, il n’y a qu’un pas. Que vous franchirez une fois L’Adversaire en mains… c’est certain !

Passage choisi

En rentrant de Strasbourg où ils avaient fêté la Saint Sylvestre chez des amis médecins, Florence a fait une lessive et il est resté dans la salle de bains où se trouvait la machine à regarder derrière le hublot le linge qui se tordait mollement dans l’eau très chaude. Il y avait des chemises et des sous-vêtements à lui, imprégnés de sa sueur mauvaise, il y avait ceux de Florence et des enfants, les tee-shirts, les pyjamas ornés de bestioles de dessins animés, les petites chaussettes d’Antoine et de Caroline qu’il était difficile de distinguer au moment du rangement. Leurs vêtements mélangés à tous les quatres, leurs souffles mélangés, paisibles, sous le toit bien calfeutré qui les abritait de la nuit d’hiver… (…) C’aurait dû être doux et chaud cette vie de famille. Ils croyaient que c’était doux et chaud. Mais lui savait que c’était pourri de l’intérieur, que pas un instant, pas un geste, pas même leur sommeil n’échappaient à cette pourriture. 

Pour aller plus loin

Petit détour

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