Couple, 2 enfants, cherche nounou parfaite...

chanson douce | leïla slimani

4 avril 2022

Le Wagon Livres Chanson douce Leila Slimani livre

Titre | Chanson douce
Auteur | Leïla Slimani
Date de parution | 2016
Nombre de pages | 227

J’ai été transportée :
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🤍 Beaucoup
🖤 Passionnément
🤍 À la folie

Entre thriller psychologique et chronique sociale, Leïla Slimani nous embarque au sein d'une famille parisienne, pour laquelle tout bascule à l'arrivée d'une baby-sitter... Un roman choc, dérangeant mais captivant. 

Portrait express de l'auteure

Auréolé du prix Goncourt l’année de sa sortie en 2016, Chanson douce est le deuxième roman de Leïla Slimani. Après s’être essayée aux cours Florent, et formée aux médias à l’ESCP, cette journaliste franco-marocaine se lance dans l’écriture. Après un premier manuscrit rejeté par toutes les maisons d’édition auxquelles elle l’envoie, son premier roman publié Dans le jardin de l’ogre, est remarqué en 2014 pour son écriture et le sujet qu’il traite : l’addiction sexuelle féminine. Pour Chanson douce, Leïla Slimani s’inspire de l’affaire Yoselyn Ortega. La « nanny tueuse », comme elle fut surnommée par la presse, a été condamnée par le tribunal de New York en 2018 à la prison à perpétuité pour le meurtre de Leo, 2 ans, et Lucia, 6 ans. Un sujet aussi glaçant que fascinant.

Le Wagon Livres Chanson douce Leila Slimani auteure

Résumé du trajet

Lorsque Myriam, mère de deux jeunes enfants, décide malgré les réticences de son mari de reprendre son activité au sein d’un cabinet d’avocats, le couple se met à la recherche d’une nounou. Après un casting sévère, ils engagent Louise, qui conquiert très vite l’affection des enfants et occupe progressivement une place centrale dans le foyer. Peu à peu le piège de la dépendance mutuelle va se refermer, jusqu’au drame. À travers la description précise du jeune couple et celle du personnage fascinant de la nounou, c’est notre époque qui se révèle avec sa conception de l’amour et de l’éducation, des rapports de domination et d’argent, des préjugés de classe ou de culture. Le style sec et tranchant de Leïla Slimani, où percent des éclats de poésie ténébreuse, instaure un climat angoissant et envoûtant.

Pourquoi se laisser embarquer

Cette histoire, Leïla Slimani nous en dévoile la fin, dès le début : « Le bébé est mort. » Un hurlement déchire la quiétude de cet après-midi de mai. Celle d’une mère en état de choc, devant les corps meurtris de ses deux enfants. Le ton est donné, sans ménagement. Le lecteur connaît la coupable : Louise, la baby-sitter que Myriam qualifie pourtant de « fée » lorsqu’elle la rencontre. Au fil des pages, son visage s’assombrira. Tout l’intérêt du livre est d’expliquer ce glissement, et la manière dont un tel drame a pu arriver. La famille est le huis clos qui abrite l’histoire, au fort parfum de thriller. Leïla Slimani parvient à tenir en haleine un lecteur qui connaît déjà l’issue de l’intrigue, en gardant son attention alerte. Comment ? Grâce à un rythme d’écriture et à des chapitres dynamiques, courts et structurés. L’auteure distille ça et là des anecdotes par flash-backs éclairant la psychologie de la nounou mystérieuse. Le roman questionne son lecteur sur la confiance, sur les liens de proximité, de déférence, de méfiance ou de respect qui se nouent entre des adultes prêts à partager la charge et l’éducation de jeunes enfants.

Chanson douce est « un grand roman qui se lit en apnée » selon Nicolas Carreau, chroniqueur chez Europe 1. À partir d’un fait divers abominable, l’auteure nous livre sa vision de la société, sans aucun moment de pathos ni de parti pris. Chanson douce donne à voir sans pointer du doigt. La crédibilité des personnages et la fluidité de l’écriture confèrent à cette histoire un réalisme étonnant, dans lequel le lecteur est plongé de manière frontale. Les tensions et le malaise montent au fil des pages, autant que notre curiosité veut en apprendre sur les ressorts du drame.

Une réflexion sociale et sociétale. Le roman traite d’abord de la place de la femme, la figure de la mère et de la notion de maternité en général. Un équilibre de vie troublé par les contraintes modernes qui s’imposent aux femmes. Se découvrir mère tout en restant femme : vaste sujet dont traite également Chanson douce par l’intermédiaire du personnage de Myriam. Par ailleurs, Louise est une illustration parfaite de la lutte des classes. Le parallèle social est un (sinon, le !) fil rouge du roman entre la nounou en difficulté croulant sous les dettes, et le couple de bobos parisiens la considérant comme une petite employée. La raison du drame serait ainsi presque autant sociale que psychologique. Un roman bouleversant.

Passage choisi

La nounou est comme ces silhouettes qui, au théâtre, déplacent dans le noir le décor sur la scène. Elles soulèvent un divan, poussant d’une main une colonne en carton, un pan de mur. Louise s’agite en coulisses, discrète et puissante. C’est elle qui tient les fils transparents sans lesquels la magie ne peut pas advenir. Elle est Vishnou, divinité nourricière, jalouse et protectrice. Elle est la louve à la mamelle de qui ils viennent boire, la source infaillible de leur bonheur familial.

Pour aller plus loin

Inspirant, le best-seller de Leïla Slimani est porté à l’écran dans une adaptation de Lucie Borleteau, qui met en scène en 2019 un face à face plein de tension entre Karin Viard et Leïla Bekhti. La cinéaste est parvenue à saisir tout ce qui fait la force du roman. Si elle en trahit d’introduction en ne reprenant pas l’histoire commencée par la fin, Lucie Borleteau s’applique néanmoins à rester proche du récit, et à en sublimer la puissance. Avec une Karin Viard formidable : bouleversante et terrifiante.

Le Wagon Livres Chanson douce Leila Slimani film

Petit détour

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