Voyager pour se retrouver
Briser en nous la mer gelée | eric orsenna
10 avril 2022

Titre | Briser en nous la mer gelée
Auteur | Eric Orsenna
Date de parution | 2020
Nombre de pages | 464
J’ai été transportée :
🤍 Un peu
🤍 Beaucoup
🖤 Passionnément
🤍 À la folie
Erik Orsenna nous emporte dans un merveilleux périple amoureux, humain et géographique. Lorsqu'une idylle n'est plus qu'échec, il est paraît-il un rivage où l'on guérit du mal d'aimer, à la croisée du voyage et de l'écriture.
Portrait express de l'auteur
Né Erik Arnoult, Erik Orsenna grandit au sein d’une famille aisée, aux origines cubaines et luxembourgeoises. Après une hypokhâgne, il intègre l‘IEP de Paris pour y suivre des études de philosophie, d’économie et de finance. Professeur de sciences économiques dans de prestigieuses écoles, Erik Orsenna publie son premier roman, Loyola’s Blues, à l’âge de 27 ans. L’écrivain accède à la notoriété en 1988 lorsque son livre L’exposition coloniale reçoit le prix Goncourt. Membre de l’Académie française, il porte l’Afrique, la mer et la langue française dans son cœur. Briser en nous la mer gelée s’inspire de sa propre histoire, que l’auteur place sous le signe du voyage, avec en son centre, l’Amour.

Résumé du trajet
Voici l’histoire d’un amour fou.
Et voici une lettre, une longue lettre envoyée à Madame la Juge, Vice-Présidente aux affaires familiales.
En nous divorçant, Suzanne et moi, le 10 octobre 2011, elle a soupiré : « Dommage, je sentais beaucoup d’amour en vous. »
Comme elle avait raison!
Mais pour nous retrouver, pour briser en nous la mer gelée, il nous aura fallu voyager.
Loin en nous-mêmes, pour apprendre à ne plus trembler.
Et loin sur la planète, jusqu’au Grand Nord, vers des territoires d’espions d’autant plus invisibles que vêtus de blanc, dans la patrie des vieux chercheurs d’or et des trésors perdus, refuge des loutres de mer, des libraires slavophiles et des isbas oubliées.
Le saviez-vous ? Tout est Géographie.
Qu’est-ce qu’un détroit, par exemple le détroit de Béring ? Un bras de mer resserré entre deux continents.
À l’image exacte de l’amour.
Et c’est là, entre deux îles, l’une américaine et l’autre russe, c’est là que court la ligne de changement de date.
E. O.
Pourquoi se laisser embarquer
Dans Briser en nous la mer gelée, Gabriel raconte l’amour de sa vie, Suzanne. Ensemble, ils partagent tout : la magie, la joie, les sensations fortes. Mais peu à peu, le temps a raison de leur amour, tel une « marée de terre » qui les fait dériver et s’éloigner l’un de l’autre. Suzanne a d’ailleurs cette analyse parfaitement juste de leur relation : « Notre mariage était un faux oui. Je ne suis pas trop forte en grammaire, mais un oui, normalement, change le monde, non ? Après un oui, le monde n’est plus le même. Ton oui à toi n’a rien changé. Un oui qui ne change pas le monde, c’est un mariage qui n’a pas commencé. Voilà ce que j’ai compris en courant ce matin. C’est assez long, 15 kilomètres. Juste la bonne distance pour comprendre. J’ai eu bien chaud. Et maintenant, j’ai froid.»
Comment en sont-ils arrivés là ? Comment expliquer l’échec d’un amour gelé ? Gabriel décide alors de se consacrer plus que jamais à l’écriture, dissimulant l’espoir fou de se remettre de cette épreuve, de « la prison d’un amour qui s’obstine à ne pas vouloir mourir. » Puis une chanson lui revient en mémoire : Il est paraît-il un rivage où l’on guérit du mal d’aimer… Un livre de géographie ouvert, il tombe sur l’extrémité Nord du Pacifique et sur le détroit de Bering. C’est là, en Alaska, que Gabriel choisit de réchauffer leur amour perdu. Car pour se retrouver, ils vont devoir beaucoup, beaucoup voyager…
La plume gracieuse et pétillante d’Erik Orsenna nous dévoile une belle histoire d’amour. Mais si l’on se délecte de Briser en nous la mer gelée, c’est que son récit se complète de digressions sur le voyage, l’écriture et la culture, qui en font tout le charme. Cette excursion dépaysante offre des pistes de réflexion sur l’existence et le bonheur : celui qu’on gagne, qu’on perd, qu’on retrouve. Suivez Suzanne et Gabriel dans le voyage d’une vie.
Passage choisi
— Quelle heure est-il ?
— Neuf heures vingt. Tu crois qu’elle viendra ?
— Tu connais le mot de Guitry : Madame est en retard, c’est donc qu’elle va venir.
— Elle aurait téléphoné. Elle m’a paru très bien élevée.
— Elle se sera perdue.
— Enfin voyons, rue et cour, je lui ai donné trois fois les deux codes.
— Tu as dû lui faire peur.
— Peur de quoi ?
— Elle n’aime pas qu’on l’enferme.
Bref, on ne parlait que d’elle, elle qui n’arrivait pas. Pour qui se prenait-elle ? On n’allait tout de même pas demeurer toute la soirée les yeux fixés sur la porte.
C’est dire si cette personne m’a tapé sur les nerfs avant même qu’elle arrive.
Enfin, la sonnette.
Et un chat est entré.
Par quelle divination me suis-je murmuré : voici mon malheur ?
Vous rappelez-vous de notre dialogue, madame la Juge, juste avant que vous prononciez le divorce ?
« Quand avez-vous compris qu’il n’y avait plus d’issue ?
— Dès que je l’ai vue.
— Et vous avez quand même décidé de l’épouser ?
— C’est pour ça que j’ai décidé. »